lundi 25 août 2014

Voyage autour de ma chambre
chapitre 8 : à Amsterdam

Ce n'était pas rien d'aller en ville pour la première fois. Car je le savais : désormais, il n'y aurait plus qu'elle. Elle seule pour me consoler, en cas de besoin, de l'absence de toutes les autres. Une quintessence de ville, en somme.  
Après avoir appris par coeur les ruelles de Tokyo, celles de Lisbonne, pris mes petits déjeuners à New York ou à Bruxelles, j'espérais trouver du charme à Palma et aux cinquante kilomètres qui m'en séparaient. 
Mais il faisait très chaud, ce jour-là et les rues me parurent trop piétonnes, trop bruyantes, trop commerçantes à moi qui étais déjà devenue familière des heures tranquilles de la mer
Ce n'est qu'en pénétrant dans les salles désertes et fraîches de la Fondation Juan March que j'avais retrouvé une raison d'avoir quitté ma chambre.  

"A un moment, les conditions météorologiques commencèrent à empirer. Le vent redoubla. Il commença à pleuvoir avec force et, aussitôt, se leva une espèce de tempête maritime. Nous voulions nous éloigner de la pluie fouettée par le vent mais, pour cela, nous devions continuer à marcher dans ces conditions, au moins pendant un moment. Nous mîmes le cap sur la relative tranquillité du Musée Van Gogh, où les tableaux tournoyaient dans une mer jaune. Mais, en fait, nous ne voyions aucun tableau. Le temps avait empiré jusqu'à l'extrême alors tous ceux qui étaient à Amsterdam n'avaient qu'un seul objectif en tête : échapper à la pluie, échapper à la pluie au Musée Van Gogh. Tout le monde était mouillé et dégageait de la vapeur et il paraissait possible qu'à n'importe quel moment, une débandade trempée se produisit. De temps en temps, un éclat de soleil sur le blé mouvant en Arles ou une nuit illuminée par les bougies à Rome -des étoiles, des étoiles- prenaient vie dans le fond. Des arbres chargés de fleurs apparaissaient, des visages de couleurs pigmentées brillaient mais, surtout, les dos mouillés des visiteurs abondaient. Le jaune assoiffé de Arles soulignait le fait qu'ici, à Amsterdam, nous avions un genre de jour automnal qu'il était impossible de distinguer des ultimes sursauts de l'hiver. Chaque fois davantage de visiteurs se massaient dans le musée. Les tableaux étaient comme les derniers canots de sauvetage du Titanic et seule une poignée de chanceux réussissaient à apercevoir un brin de tournesol stupéfiant ou la chaise vide de Gauguin (qui, pour ce que j'en savais, n'était même pas là). Les autres devaient s'aventurer vers les dessins ou n'importe quel autre exemple d'art qui se trouverait sur leur chemin. Les champignons, par chance, n'étaient pas si forts qu'ils auraient dû l'être et nous ne tardâmes pas à ressortir sous la pluie. Aussi incroyable que cela ait pu paraître, le temps avait encore empiré pendant que nous étions au musée. Le temps, pour résumer une longue histoire météorologique, était passé de mal en pis à encore pire."

Le livre de Geoff DyerYoga for People Who Can't Be Bothered to Do It, est traduit en espagnol par Cruz Rodriguez Juiz et intitulé : Yoga para los que pasan del yoga.

Vocabulaire noté : 
-capullo : petit con
-poner rumbo a : mettre le cap sur
-no aguantaba más : je ne supportais plus
-me doy cuenta : je me rends compte
-achispado : pompette

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