lundi 8 décembre 2014

MA VIE DE FANTÔME

Ecrire à tâtons est, je suppose, très dangereux, et la plupart du temps cela donne des résultats catastrophiques. Si dans mon cas cela ne va peut-être pas si loin, je veux croire que cela est dû à une étrange et inutile discipline, à savoir que je ne me permets pas de changer ce que j'ai écrit, à ma convenance ou à mesure que je commence à voir -exactement comme le lecteur- de quoi traite ce roman ou ce qui s'y passe, mais que je m'oblige à m'en tenir à ce que j'ai écrit, et je fais en sorte que ce soit cela qui conditionne la suite. En un certain sens, j'applique à la configuration d'un livre le principe de connaissance qui régit la vie, la réalité ou le monde, comme on voudra appeler ça : nous ne pouvons nous comporter, ni décider, ni choisir, ni agir en fonction d'un final connu ou de ce qui vient simplement après, mais c'est ce final ou cet après qui devront s'en tenir à ce qui a déjà été vécu, ce qui est arrivé ou ce qu'on a subi, sans qu'on puisse l'effacer ni l'altérer, ni à peine l'oublier. 
Javier Marias. L'auteur sur ses écrits in Littérature et fantôme
Comment dit-on ? : jadis ? naguère ? autrefois ?
Il y eut un temps où c'est que je tenais mon journal. 
Il y eut un jour où on déroba mon mot de passe, où je ne fus plus rédactrice. 
Ma vie numérique ressemble à mon passé, je ne peux rien en modifier, rien en effacer : juste en être lectrice, héroïne d'une fiction que j'ai vécue comme -parfois- j'entrais dans un manga que j'avais lu.
Me relire c'est en voir une autre, qui me ressemble, un peu.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire