jeudi 15 janvier 2015

La vie des pages (13)

Quand le soleil prend des vacances, je monte au deuxième étage où le fauteuil rouge me tend les bras pour me réchauffer et, parfois aussi, veiller ma somnolence. 
Ce jour-là, distraite, je laissai mon regard courir sur les étagères, notant et déplorant l'absence d'un livre que j'avais vu auparavant, dont le titre L'histoire du silence et le début du résumé "Ce roman parle d'un autre livre qui n'arrive pas être écrit" m'avaient plusieurs fois donné envie de le lire. 
Rentrée chez moi, surprise, je le vis sur mon bureau où je l'avais posé avant d'oublier que je l'avais emprunté. 

Finalement, j'ai pris un livre de consultation et je me suis assis parmi les lecteurs. Il y avait là tant de sérénité -tant d'activité souterraine et silencieuse- comme dans un fumoir d'opium. J'ai entendu avec beaucoup de clarté la rumeur que faisaient les livres en parlant entre eux, leur échange caché de confidences, de secrets et de révélations dans le labyrinthe de ces étagères couvertes de poussière, et j'ai su ce que cherchait Irene quand elle s'enfermait là : quelque chose de plus que les nouvelles du  monde, quelque chose de plus que la réponse aux questions qu'elle pouvait formuler, quelque chose qui ne pouvait sûrement pas se dire avec des mots ni s'écrire et qui, cependant, se trouvait entre ces murs, vivant, palpable.

Traduction libre d'un extrait de La historia del silencio de Pedro Zarraluki.*


*Finalmente, cogí al azar un libro de consulta y me senté entre los lectores. Había allí tanto sosiego -tanta actividad subterránea y callada- como en un fumadero de opio. Oí con toda claridad el rumor que hacían los libros al hablar entre ellos, su oculto trasvase de confidencias, de secretos y revelaciones en el laberinto de aquellas estanterías cubiertas siempre de polvo, y supe lo que buscaba Irene cuando se encerraba allí : algo más que noticias del mundo, algo más que respuesta a las preguntas que pudiera formular, algo que seguramente no podía decirse con palabras ni podía escribirse y que sin embargo se encontraba entre aquellas paredes, vivo, palpable. 

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