lundi 9 mars 2015

l'île sur l'île (fragments d'insularité)

La ville n'est pas loin, il est des endroits d'où l'on voit ses lumières la nuit, sa lumière plutôt, et le jour sa fumée. On distingue même, par temps très clair, les môles du port, des deux ports, ils avancent bras minuscules dans la mer vitreuse, on les sait à plat mais on les voit levés. On voit les îles et les promontoires, il s'agit seulement de se retourner au bon endroit, et la nuit bien entendu les phares, à feux fixes et tournants. Le ciel même bleu semble plus bas, vu de ce plateau, on a beau se raisonner, l'impression demeure. C'est là qu'on voudrait se coucher, dans un creux bien tapissé de bruyère sèche, et s'endormir, une dernière fois, un après-midi. Il ferait du soleil, la tête serait parmi la vie minutieuse des tiges et des corolles, on s'endormirait vite, on quitterait vite des choses charmantes. C'est un ciel sans oiseaux, quelques oiseaux de proie tout au plus, pas d'oiseaux-oiseaux. Fin du passage descriptif. 
Samuel Beckett. Mercier et Camier.
Il faisait si clair, ce matin-là, qu'on voyait Minorque du haut de la Talaya.
Le lendemain, il avait tant plu, tant venté 
: mes chaussures auraient pris l'eau
, je n'avais pas quitté la maison
.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire