lundi 22 février 2016

"La nation est un concept linguistique" (fragments d'insularité)

"Le langage se transforme selon des cycles discontinus qui reproduisent la majorité des langues connues. Les habitants parlent et comprennent instantanément la nouvelle langue mais oublient la précédente. Les langues qu'on a pu identifier sont l'anglais, l'allemand, le danois, l'espagnol, le norvégien, l'italien, le français, le grec, le sanscrit, le gaélique, le latin, le saxon, le russe, le flamand, le polonais, le slovène, le hongrois. Deux des langues utilisées sont inconnues. On passe de l'une à l'autre, on ne peut pas les concevoir comme des langues distinctes mais comme les étapes successives d'une langue unique." Les rythmes sont variables, parfois une langue se maintient des semaines, parfois un jour.
(…) Sur l'île, on ne connaît pas l'image de ce qui est au-dehors et la catégorie d'étranger n'est pas stable. On pense la patrie selon la langue. ("La nation est un concept linguistique.") Les individus appartiennent à la langue que tous parlaient au moment de leur naissance mais personne ne sait quand celle-ci reviendra. "Ainsi surgit dans le monde quelque chose qui, à tous, apparait dans l'enfance et où personne n'est encore allé : la patrie." 
Traduction libre d'un extrait* de La ciudad ausente de Ricardo Piglia. 
Un soir de la semaine dernière, je fis la connaissance d'une jeune fille qui, peu de temps avant, avait connu une autre Gwendoline. 
Le même soir, je rencontrai un homme qui, comme moi, était né sur une île. 
Mais
jamais je n'ai rencontré d'autre Gwendoline. 
Pas davantage : quelqu'un né sur la même île que moi. 
"El lenguaje se transforma según ciclos discontinuos que reproducen la mayoría de los idiomas conocidos. Los habitantes hablan y comprenden instantáneamente la nueva lengua, pero olvidan la anterior. Los idiomas que se han podido identificar son el inglés, el alemán, el danés, el español, el noruego, el italiano, el francés, el griego, el sánscrito, el gaélico, el latín, el sajón, el ruso, el flamenco, el polaco, el esloveno, el húngaro. Dos de las lenguas usadas son desconocidas. Pasan de una a otra, pero no las pueden concebir como idiomas distintos, sino como etapas sucesivas de una lengua única." Los ritmos son variables, a veces un idioma permanece semanas, a veces un día. 
(…) En la isla no conocen la imagen de lo que está afuera y la categoría de extranjero no es estable. Piensan la patria según la lengua. ("La nacíon es un concepto lingüístico.") Los individuos pertenecen a la lengua que todos hablaban en el momento de nacer, pero ninguno sabe cuándo volverá a estar ahí. "Así surge en el mundo algo que a todos se nos aparece en la infancia y donde todavía no ha estado nadie : la patria."

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