samedi 26 mars 2016

Faire de sa vie une pâtisserie

C'est peut-être parce que, avant de se mettre à écrire, Natalie Goldberg a tenu un restaurant que, dans son livre d'écriture créative -Writing down the bones, traduit en espagnol par El gozo de escribirLe plaisir d'écrire- elle fait autant référence à la cuisine : 
"L'écriture n'est pas un hamburger. La cuisson requiert beaucoup plus de temps et on ne peut pas savoir dès le début s'il en sortira un rôti, un ragoût ou des côtelettes d'agneau."
et même si comparer l'acte d'écrire avec celui de cuisiner n'est pas très original, elle sait toutefois renouveler le thème : 
"Quand nous préparons un gâteau, nous devons préparer les ingrédients : sucre, farine, beurre, oeufs, lait. On les met dans un bol et ils se mélangent bien mais cela ne fait pas un gâteau. C'est un amas informe. Maintenant, il faut le mettre au four et ajouter de la chaleur, de l'énergie, pour le transformer en un gâteau qui ne ressemble plus en rien aux ingrédients avec lesquels nous avons commencé. Je me souviens de ces parents qui, dans les années soixante-dix, ne parvenaient pas à reconnaître leurs enfants dans les hippies qu'ils avaient devant eux. Le lait et les oeufs observent le gâteau : "Ce n'est pas nous".
Dans un certain sens, écrire est la même chose. Nous avons en main tous les ingrédients, les détails de notre existence mais ce n'est pas suffisant d'en faire une liste. "Je suis née à Brooklyn. J'ai un père et une mère. Je suis une femme." Ce n'est pas suffisant de mélanger les ingrédients dans un bol; les ingrédients n'ont pas de vie."
et finit par faire de la nourriture le remède à tous les problèmes d'inspiration :
"Si vous vous rendez compte que vous avez du mal à écrire, que rien ne vous parait réel, alors essayez d'écrire sur la nourriture. Il n'y a aucun risque à tomber dans l'abstraction et c'est la seule chose de notre journée dont nous nous souvenons à coup sûr. 
(…) Diane DiPrima, une poétesse de la Beat Generation, a écrit un livre intitulé Dinners And Nightmares. La première moitié du volume comporte seulement les repas auxquels elle a participé, qu'elle a préparés, des listes d'invités, des listes de courses. Il y a un conte formidable qui parle de l'hiver entier qu'elle passa à New York à manger des biscuits Oreo. C'est une lecture très agréable. On ne s'ennuie jamais. Tout le monde aime manger. 
Ecrivez au sujet des repas que vous aimez le plus. Soyez précis. Entrez dans les détails. La table, le fromage, l'amie aux yeux bleus assise en face de vous, les verres pleins d'eau, la nappe à rayures, la fourchette, le couteau, l'assiette de céramique blanche et lourde, la salade, le beurre, le verre de vin rosé; partant de tout cela, nous pouvons nous étendre dans la mémoire, dans le temps, dans l'espace, dans la pensée et parler d'Israël, de la Russie, de la religion, des arbres et du trottoir. D'accord, quelqu'un peut ne pas apprécier la nourriture dans ses aspects sociaux. Quelqu'un peut ne jamais avoir fait un bon repas dans sa vie et être fauché et sans amis. Super, alors il pourrait commencer par le dernier sandwich desséché qu'il a mangé dans cet appartement vide de la Première Avenue. Si votre vie est ainsi, vous devez partir de là."
Devant nos assiettes vides, j'ai fait remarquer que, du temps passé en cuisine, il ne restait aucune trace visible. 
Du temps passé en cuisine, il reste toutefois ce billet, auquel j'ai pensé les mains dans la farine. Si j'évoque si peu la nourriture, c'est peut-être parce que je ne manque jamais d'inspiration.

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